Achdé est né en 1961 dans une famille rapatriée du Maroc. Il grandit dans une ZUP de Nîmes, en pleine garrigue, au cur dun mélange de communautés et de cultures, ce qui nempêche pas les bonnes relations quotidiennes et ni les jeux avec des copains venus dhorizons différents. « Je vivais La Ribambelle tous les jours ! », dit-il en évoquant sa jeunesse. Comme ses parents nont pas assez dargent pour lui payer le cinéma, il se contente de regarder le film du dimanche à la télé. « Javais le choix entre un western et un film de chevaliers. Je préférais le premier : les cow-boys mimpressionnaient, alors que les chevaliers avaient lair couillon dans leur boîte de conserve ! », raconte cet admirateur de LHomme qui tua Liberty Valance, le film de John Ford. Attiré par les grands espaces, il se lance, en 1983, dans un voyage initiatique à la Jack Kerouac ; direction lAmérique du Nord ! Il réunit ses (maigres) économies et cache de largent dans ses chaussettes pour échapper au contrôle des changes instauré par le gouvernement. Il passe un mois entre Canada et États-Unis, et, hélas ! larmée française se rappelle à son bon souvenir
Achdé qui pensait effectuer un an et demi de coopération au Yemen, en souvenir des livres dHenry de Monfreid rentre en France pour faire ses classes à Aix-en-Provence ! Il rejoint le service de santé aux armés, puis, libéré, il reprend son métier de manipulateur en électroradiologie. Mais le dessin titille cet amoureux de bande dessinée, fervent lecteur du magazine mythique Mad. Il laisse traîner quelques crobards dans la salle dattente du cabinet, pour le plus grand bonheur des patients venus passer une radio. Il faut dire quil est tombé tout petit dans la marmite de la BD. La « faute » à Morris, à Lucky Luke et à la scène mythique du duel au poker dans lalbum Le Juge, quil découvre à lâge de 4 ans en lisant un numéro de Spirou. À 7 ans, Achdé dérobe une partie de largent de la quête, à léglise, pour soffrir son premier album de Lucky Luke ! Mais que les tenants de la morale se rassurent, le jour où il a repris la série, il est retourné sur les lieux pour mettre léquivalent de la somme dans le tronc !
La suite est connue. Elle appartient à lhistoire contemporaine de la bande dessinée : après les années de galère, la création dune petite agence de pub, les premiers dessins publiés dans Midi libre, la signature dun contrat avec Dargaud le jour de ses 30 ans, le succès avec la série CRS = Détresse, cest, enfin, la consécration avec la reprise de Lucky Luke.
« À mes débuts, je montais à Paris une fois par an pour présenter mon dossier
que tous les éditeurs refusaient, avec les prétextes les plus divers. Lun deux, très connu, mavait dit : Le gros nez, cest terminé
Je crois que cest ma ténacité qui ma permis de continuer ! », raconte Achdé. En effet, il na jamais baissé les bras, même pas quand il a tout perdu lors des inondations à Nîmes en 1988. De toute façon, dès lécole maternelle, son avenir était écrit. Le jour où la maîtresse lui avait demandé ce quil ferait plus tard, sa réponse avait fusé, aussi rapide quun cow-boy dégainant son six-coups : « Je veux dessiner Lucky Luke ! »